De nombreux franchiseurs à la tête dure refusent de le comprendre : le strict respect de la loi Doubin ne suffit pas.
On le sait, la loi Doubin fait obligation à toute tête de réseau exigeant une exclusivité ou une quasi-exclusivité, de quelque nature qu'elle soit (enseigne, approvisionnement, etc...) de respecter un certain nombre d'obligations figurant dans la loi dite Doubin.
Et, contrairement à bon nombre d'idées reçues, la loi Doubin ne s'applique pas seulement aux contrats de franchise, mais à tout type de contrat, dès lors qu'une obligation d'exclusivité ou de quasi-exclusivité est requise. Cela a notamment été jugé pour un contrat de location-gérance.
Mais cela ne suffit pas.
Avant d'être un contrat de distribution, un contrat soumis à la loi Doubin est ... un contrat.
L'obligation d'information précontractuelle exigée par la loi Doubin ne contredisant en rien l'obligation générale d'information prévue par le Code civil pour tout contrat, la loi Doubin n'est nullement exclusive du droit commun des obligations.
C'est ce que vient fort opportunément rappeler la Cour d'Appel d'Aix en Provence dans un arrêt du 1° décembre dernier (RG 19/11418) : celle-ci prononce la résiliation d'un contrat de franchise aux torts exclusifs d'un franchiseur n'ayant pas donné d'information assez précise sur le champ des exclusivités consenties au franchisé dans le DIP, en visant exclusivement le droit commun des contrats, et notamment l'article 1112-1 du Code Civil, lequel dispose : "celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant".
Le raisonnement de la Cour concernant l'application du droit commun des contrats est irréprochable ; nous rappelons depuis des années que la loi Doubin ne suffit pas (voir notre article à ce sujet).
En revanche, la solution retenue l'est beaucoup moins : au motif que le franchisé n'a pas sollicité l'annulation du contrat, la Cour en prononce la résiliation, ce qui est pour le moins étonnant ; en effet, le manquement à une obligation précontractuelle devrait logiquement être sanctionné par l'annulation du contrat, puisqu'il concerne les conditions de formation du contrat (un vice du consentement, en l'espèce une erreur du franchisé liée à un défaut d'information du franchiseur).
C'est d'ailleurs ce que prévoient les articles 1130 et suivants du Code Civil, eux-mêmes visés, de façon surprenante, par la Cour, qui se contredit...
La résiliation a, quant à elle, trait à une mauvaise exécution du contrat, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; à tout le moins, la Cour fonde exclusivement son argumentation sur le non respect d'une obligation générale d'information précontractuelle, qui devrait donc entraîner la nullité du contrat, à l'exclusion de sa résiliation...
Il n'y aurait donc rien de surprenant à ce que cet arrêt soit cassé, si d'aventure le franchiseur décidait de se pourvoir...
Toujours est-il que les franchiseurs doivent enfin prendre conscience du fait que la loi Doubin est très largement insuffisante ; depuis la réforme du droit des contrats, elle est même devenue quasiment inutile.